vendredi 31 mars 2017

Empire contre féodalité


En chaque occidental, en chaque citoyen, il y a un paradoxe, un affrontement intérieur qui trouve un écho dans les cycles de notre histoire, en un mouvement de va-et-vient entre grandeur impériale et prolifération de principautés et de potentats. C’est que nous avons intégré, parfois de manière perverse, comme le contrecoup de la chute du géant romain, il y a 1500 ans.

Il y a comme une réverbération, un choc qui nous hante inconsciemment et collectivement, qui nous poussera régulièrement à souhaiter la restauration de l’Empire. La Rome antique résonne comme notre bruit de fond cosmogonique, notre mère déchue et lointaine. Ce que nous vivons encore aujourd’hui n’est que la suite de ce continuum, depuis que le dernier empereur authentiquement romain a été déposé à l’ouest. Combien d’ambitieux, d’opportunistes, se sont rêvés en nouveaux Césars ? Un paquet, si on compte ceux que l’on aura oubliés…

Barbares ! Toujours à nos portes, voleurs, pillards, destructeurs, parasites… Guettant nos faiblesses le long de nos frontières, prêts à mener leurs invasions jusqu’au saint des saints de notre monde… Le Barbare a bon dos. Le barbare est un alibi, une bonne raison de considérer que la chute tient toujours de la pression que les autres nous imposeraient, et toujours avec malveillance. Mais si les barbares ont pris Rome, c’est parce que Rome se faisait la guerre à elle-même depuis longtemps. L’avidité des puissants, le relâchement des élites, leur fermeture à toute promotion sociale, et le dénigrement de l’état demeurent les vraies raisons de la chute de Rome. Rome était devenue une emmerdeuse pour nombre de provinces concurrentes, son aristocratie attachée aux traditions, à son paganisme, ont amené des citoyen romains à souhaiter sa chute pour tourner une page. Le barbare a donc été invité à la prendre.

L’état romain, son fisc, son pouvoir parfois pesant, était un empêcheur de magouiller en rond, du coup les oligarques de l’époque n’ont rien fait pour empêcher sa faillite, puis sa chute. Le moyen-âge a été souhaité par des potentats locaux qui se sont partagé l’empire, par confetti, quitte à dégrader la sécurité, l’économie, la culture… L’avidité éternelle de l’homme détruit tout, même les grandes civilisations. Considérons le féodalisme : je te protège, si tu travailles sur mes terres ; ainsi né le servage. On voit bien que l’offre de sécurité mène à l’enchaînement de la liberté. Cela rappelle furieusement nos temps agités. Les migrants fuient les guerres impériales que nous menons, la violence amenant la violence ; elle s’étend jusqu’au cœur de nos terres pacifiées, suscitant la terreur parmi de bons peuples embourgeoisé par tant d’années d’abondances. Le libéralisme milite pour le recul de l’état qui en conséquence n’assure plus autant la sécurité de ses citoyens, les soignent moins bien, les éduque à l’arrache… L’état est méprisé et ses représentants, maudits. Le libéralisme n’est qu’un avatar du féodalisme.

La montée des nationalismes, le rejet des étrangers, le passéisme, un attachement à une identité fantasmée, la corruption des dirigeants, la confusion des pouvoirs  politiques et économiques, tout cela nous renvoie à de nouveaux âges sombres. Irrémédiablement la guerre reprendra ses droits, et s’invitera partout où les nouveaux seigneurs auront fait plier le pouvoir central. On se met à révérer des chefs barbares, voyant en eux des forces revigorantes pour notre vieil occident. A la faveur du chaos, on les choisira pour maîtres. Les nouveaux Alaric et Attila se lèchent déjà les babines, semant la sédition, s’essayant même à faire et défaire nos souverains, alors qu’eux-mêmes sont déjà bien malades. Pourtant leurs chefs se parent de la pourpre, car comme tout barbare, ils admirent l’empire qu’ils veulent détruire. Nous les avons tellement humiliés…

Quoi de plus terrible que le désir de revanche. La défaite française au terme de la guerre de sept ans enfanta Napoléon, la défaite allemande de 1918 accoucha d’Hitler ; qu’est ce que  le dépeçage de l’empire ottoman ou la faillite russe après la guerre froide, ont finalement engendré, sinon un désir de vengeance qui nous est adressé… Parce que nous sommes faibles, parce que nous nous divisons à nouveaux, une tempête planétaire se prépare. La nouvelle Rome aux Amériques s’y prépare ; en Europe nous dormons, et nous gardons la tête dans le sable. Que ferons-nous quand les baltes ou les polonais verront les Russes débarquer ? Comment agirons-nous lorsque la Turquie ravira Chypre et poussera son avantage au levant ? Sommes-nous prêts ?

Si tu veux la paix prépare la guerre.  Nous ne préparons plus rien depuis que les faillites des états sont orchestrées par les banques, c’est-à-dire par quelques oligarques. A y regarder de plus près, quand par copinage un représentant de l’état signe des accords de dette avec des financiers privés, n’est ce pas une faute ? Quand on connait les montants dus aux banques, n’est ce pas de la haute trahison ? Pourquoi les rembourser d’ailleurs ? Parce que des états nous ont prêtés ? Mais dans quel but puisque nous ne pourrons pas honorer toutes nos dettes ? Vont-ils nous faire la guerre si on poursuit cette logique, se saisir de nos territoires, de notre sève pour défaut de paiement ? En vertu de quel droit, si ce n’est de celui du plus fort… Comment imaginer que les gens intelligents qui tiennent les manettes, n’y auraient pas pensé; peut-être même le souhaitent-ils.


Parce que je préfère l’empire au moyen-âge, je défendrai l’Union européenne. Parce que je suis certain de la nécessaire supériorité de l’état sur toute autre forme de pouvoir, je soutiens l’idée que nous ne devons pas rembourser la dette. Parce que je pense en Romain qui se tient toujours prêt au pire, j’affirme à l’inverse de la logique actuelle, qu’il faut s’en remettre à une fédération dont le bras armé tiendra en échec les menaces eurasiennes, parce que si nous sommes forts, alors nous serons respectés et que nos ennemis deviendront naturellement des amis. Vive l’Empire et son projet de paix universelle!

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