mercredi 19 février 2014

La Racaille parmi nous, depuis toujours.


Qu’est ce que la racaille ? Des gens qu’on n’aime pas assurément, quand on les nomme ainsi. Elle désigne à l’origine ceux qui comptent parmi les marginaux, qui ne voudraient pas s'aligner dans les rangs de la majorité de la population, ou en tout cas qui ne seraient pas désireux de suivre les us et coutumes de Monsieur et madame « tout le monde ». Bien entendu on pense aux délinquants, à des communautés aux modes de vie inhabituels, dissolus, en désaccord avec la norme, et perçues généralement comme des inutiles voire des nuisibles. Le mot « racaille » est très ancien, peut-être issu du latin rasicare signifiant « gratter ». La racaille serait donc une sorte de poil à gratter de nos sociétés passés et présentes. Cette insulte ne fut pas toujours adressée à des gens de basse extraction, tout au contraire la littérature anti-bourgeoise a utilisé ce terme pour désigner les nantis, ces individus riches vus comme des profiteurs, et des exploiteurs du bon peuple. Le peuple serait donc comme le salami d’un sandwich, pris entre les racailles d’en haut et d’en bas, entre petits délinquants de cités et grands délinquants en col blanc. Dans les cités, « racaille » n’est même plus une injure, il s’agit d’un qualificatif, on est entre « racailles », c’est-à-dire entre personne de la même bande, du même quartier. Aujourd’hui « les racailles », « les cailleras » ou « cailles » ont pris la place des « blousons noirs » des années 60, des « apaches » de la belle époque… Ils ont tous en commun le fait que leurs effectifs sont composés de jeunes ou très jeunes hommes, qu’ils sont très souvent issus des quartiers populaires ou des banlieues, et que leurs conditions sociales font qu’ils vivent en infraction ou en lisière de la loi. Ils cultivent naturellement une attitude de défiance évidence envers le système et la bonne société, qui le leur rend bien. Si on prend pour exemple les Apaches, un extrait du Petit Journal du 20 octobre 1907 est suffisamment éloquent pour offrir une comparaison avec notre époque :

« L'apache est la plaie de Paris. Nous démontrons plus loin, dans notre « Variété », que, depuis quelques années, les crimes de sang ont augmenté dans d'invraisemblables proportions. On évalue aujourd'hui à au moins 70 000 le nombre de rôdeurs — presque tous des jeunes gens de quinze à vingt ans — qui terrorisent la capitale. Et, en face de cette armée encouragée au mal par la faiblesse des lois répressives et l'indulgence inouïe des tribunaux, que voyons-nous ?... 8 000 agents pour Paris, 800 pour la banlieue et un millier à peine d'inspecteurs en bourgeois pour les services dits de sûreté. Ces effectifs qui, depuis quinze ans n'ont guère été modifiés, sont absolument insuffisants pour une population dont l'ensemble — Paris et banlieue — atteint, le chiffre énorme de 4 millions d'habitants. »

Quand on lit ces quelques lignes, et en changeant quelques éléments de ci de là, on se dit que cet article aurait pu être écrit aujourd’hui. Les reproches faits aux pouvoirs publiques sont, de manière troublante, absolument identiques à ceux fréquemment entendus depuis quelques années, on serait tenté de dire depuis toujours ? La réponse la plus efficace contre la délinquance, au début du vingtième siècle fut d’envoyer les sauvageons dans les tranchées de la grande guerre. En général, les apaches ne se dérobèrent pas, la racaille s’est faite massacrée au côté du reste de la jeunesse du pays. Par conséquent après guerre les effectifs ont été ramenés à des seuils plus acceptables… La guerre constitue-t-elle une solution à la délinquance ? Le prix est tout de même élevé pour plus de tranquillité dans nos rues ! Mais on n’est pas loin de la vérité, la racaille a de tout temps alimenté les armées, on peut par exemple penser à la première croisade ou au recrutement de la Légion Etrangère depuis ses origines.

Toute société a sa racaille, oserait-on dire qu’il n y aurait pas de société sans racaille ? En tout cas, nombre de jeunes filles de la bonne société, ont de tous temps été émoustillées par ces jeunes freluquets, ces fripouilles qui scandalisent les bons pères de familles, affichent une virilité juvénile et séduisante pour nombre de cœur en mal de sensation ; le mauvais garçon, le « bad boy », est d’ailleurs régulièrement mis en scène dans la littérature comme à l’écran. L’éternelle question est : que faire de cette racaille ? Une réponse possible : de bons pères de famille potentiellement scandalisés par la prochaine génération de racailles…