dimanche 6 octobre 2013

Liberté à surveiller


 La liberté est pour moi, l’une des choses les plus chère.  La décrire est un exercice intéressant, en ce sens que cela me pousse à me rappeler son existence. Je suis enfant d’un pays à la tradition démocratique plutôt bien ancrée, et d’un point de vue moderne, la France est l’une des plus anciennes démocraties. J’ai toujours connu ce régime. Adulte, je n’ai pas subi de régime policier, de privations de libertés, on ne m’a pas interdit de livrer mes opinions quelles qu’elles soient. Je vis dans le confort, dans la soie d’une prospérité enviée et rêvée dans la majorité des pays du monde. Comme il est aisé d’oublier sa liberté quand rien ne la brime, quelle facilité de gloser avec un frigo et un ventre bien remplis…
Comme je connais un peu mes classiques, je sais bien que toute cette liberté n’est pas tombée de nulle part, les anciens se sont battus pour elle, Gavroche a bu la tasse dans le ruisseau pour que ma petite personne soit choyée. Sous la mitraille, les fers aux pieds, dans le flot d’insultes des chefaillons, nombreux sont nos ancêtres qui ont enduré le pire pour leur descendants, c’est-à-dire nous. J’imagine que dans leur chair même, ils ont appris le sens de la phrase « je suis libre ». Libre donc, libre comme le vent jouet des caprices climatiques, ou libre comme un citoyen sous le regard bienveillant et protecteur de la loi ?
Absence de contraintes serait synonyme de liberté… Je ne suis pas libre alors, ou pas tout à fait. Je me dis bien que courir nu dans les rues, en hurlant la fin prochaine des nains de jardins serait une liberté si grande, qu’elle pourrait mener à des libertés bien plus petites et sous contrôle médical. Le contrôle, donc. La liberté est un état de confort incluant un peu de contrôle, par soi-même quand on est bien élevé, et par les représentants de l’ordre, du consensus, de la collectivité, de la société… On est nombreux, il faut bien faire avec ; d’ailleurs à l’allure où le monde rétrécit, je pense qu’on se heurtera de plus en plus les uns aux autres. Alors, pour éviter que l’ombre de Malthus ne nous ramène brutalement à des effectifs plus raisonnables, il faudra plus de contrôle, d’autorité en fait.
Comme je le disais, le contrôle c'est aussi les bonnes manières, ainsi chacun est responsable de son périmètre ; l’avantage quand tout le monde est bien éduqué, c’est que le consensus s’appuie sur l’individu, enfin c’est un ma vision des choses, un peu surannée, mais j’ai foi en cette notion d’autorité individuelle. Le problème, c’est que cela ne marche que dans une société porteuse de valeurs parmi lesquelles les respects d’autrui, et du règlement. Cela ne fait pas l'unanimité. Alors, pour éviter que le périmètre de chacun ne soit pollué par les intrusions de quelques brutes épaisses, il faudra bien que le règlement de l’ensemble érige des barrières de sécurité. Cette protection est bien nécessaire pour éviter que les inégalités naturelles ne fassent pas trop de victimes. Le plus faible doit pouvoir se frayer tranquillement un chemin jusqu’à son repas quotidien, ou vers sa partie de jambes en l’air, sans que le costaud du quartier ne se tape son quatre heures.
Alors attention.
 Le trop étant l’ennemi du bien, il y a bien quelques petits malins qui sous prétexte de nous protéger, auraient tendance à se goinfrer de nos biscuits, quand ils ne se mettraient pas distribuer des baffes au passage. On se doit de bien écrire le règlement, pour qu’il n’y ait pas trop de règles justement. Trop de loi tue la Loi, et point de liberté sans loi à moins d’être tout seul, ce qui est ennuyeux.  
Vivre libre, est un exercice difficile car faire le funambule revient au même. L’équilibre est la règle de base, les pouvoirs, les contre-pouvoirs, tout doit fonctionner en harmonie sous peine de punition historique et de lendemains amers.  Mais que c’est ardu, délicat de ménager la chèvre et le choux, de ne pas habiller Paul en prenant à Jacques… Jacques, se plaint de la pression fiscale qu’on lui met pour que Paul ne se balade pas à poil… Il ne se sent pas toujours libre Jacques. Et pour Paul ce n’est pas mieux, est-on vraiment libre quand on pointe au chômage ? Pas de boulot, pas d’argent, donc moins de désirs satisfaits, et une ambiance délétère à la maison. Quand on réfléchit un peu, la liberté est elle-même sa pire ennemie. J’écrivais plus haut que finalement la liberté a besoin d’un peu de contrôle pour survivre. Que répondre alors à ceux qui nous disent que la liberté de faire du business devrait ne pas avoir de limite ? Ils aiment les libertés ceux-là, enfin, ils aiment surtout la leur.
Quand il y a trop d’argent, trop de pouvoir dans certaines mains, le périmètre des propriétaires de ces mêmes mains se met à enfler, et celui des voisins diminue d’autant. Et puis quand on a le pouvoir, on peut aussi s’amuser à changer les règles, pour son propre confort, et pomper un peu plus l’air des copains. Le paradoxe, c’est que manquer d’air çà gonfle un peu, et provoque des tempêtes révolutionnaires. En bref, la privation de liberté nourrit le désir de liberté. Quand on est libre, pourquoi désirer ce qu’on a déjà ? Alors on s’endort, la vigilance s’abaisse, et les petits malins commencent à se frotter les mains.

Pour conclure, la Liberté est mère du bonheur, le bonheur de n’être la proie de rien, ni de personne, et de se sentir protégé. Mais en terme de protection, rien ne remplace l’éducation, ces bonnes manières, cette cordialités qui nourrit des rapports pacifiques et emprunts de compassion.  Si l’incivisme s’installe, alors il faudra bien compenser en déléguant sa part d’autorité. Dans ce cas, on se jouera de nos peurs, et notre liberté s’en ira avec nos larmes. Vigilance donc, surtout avec ces colporteurs qui frappent au carreau de vos écrans, pour vous dire que des monstres vous guettent à chaque coin de rue, mendiant à vos fenêtres, priant sur vos tapis… Méfiez vous de ceux qui vous affirment que vous devez avoir peur. Pour moi au final, être libre c’est commencer par être courageux.